La Pyramide ?

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Pat

La Pyramide ?
« le: septembre 17, 2003, 19:05:51 »
Bon d'accord le texte est long, cela n'empêche que l'explication est interressante  :blink:


La plus belle arnaque du siècle... ça force l’admiration.

par ARNO*


 

 
   
Traduction/translation : You see it? You see it? Now you don’t (English)
Dans le joyeux monde de l’arnaque, ma carabistouille préférée est sans conteste la pyramide. C’est la plus élégante, la plus classieuse, la plus géniale des entourloupes. Il en existe de nombreuses variantes (dont la plus connue est la chaîne), mais voici le principe qui correspond le mieux aux besoins de cet édito...

Admettons que je mette en place un système pyramidal : j’enfile un beau costume et je me présente comme courtier en placements financiers. Je vous propose une alléchante formule dont le taux d’intérêt est de 30% par an.

Vous me confiez (vous « investissez ») 10000 francs. Au bout d’un an, je vous verse 3000 francs, soit-disant vos intérêts. Là où il y a arnaque, c’est que cet argent n’est pas le fruit d’un investissement juteux réalisé avec votre capital, il s’agit ni plus ni moins d’une partie de votre propre argent (je vous rends 3000 francs directement prélevés sur vos 10000 francs de départ). Chaque année, je vous verse encore 3000 francs.

Evidemment, au bout de 3 ans, je vous ai rendu 9000 francs sur vos 10000 francs de départ et je suis à sec. Pour continuer à vous verser des dividendes, je dois trouver d’autres pigeons ; c’est leur capital qui me permettra de payer vos intérêts. Et pour rétribuer ces pigeons les années suivantes, il me suffira, encore, de trouver d’autres « investisseurs ». Jamais il n’y a de création de richesse ; à chaque instant c’est le capital des nouveaux arrivants qui sert à rétribuer les investisseurs précédents.

Le système est génial pour plusieurs raisons. S’il est bien géré, personne n’a le sentiment d’y perdre. Chaque intervenant reçoit régulièrement des intérêts conséquents, et moi ma commission. Le plus souvent, les pyramides s’arrêtent parce que la justice intervient ; cessation d’activité, donc plus de nouveaux apports, donc je ne peux plus rembourser, donc tout le monde y perd. Voyez la finesse du truc : vous êtes ruiné, non parce que j’ai mal fait mon boulot, mais parce que la justice est intervenue. Tous les escrocs ont la même excuse : « si l’on m’avait laissé un peu plus de temps, j’aurai fini par rembourser », ce que l’on peut encore tourner : « si la loi ne m’empêchait pas de travailler, j’aurai enrichi mes investisseurs », ce que, enfin, Jean-Marc Sylvestre résume par : « il faut libéraliser le marché ». Autre cause de la cessation d’activité, mes « investisseurs » prennent peur et réclament leur capital ; ce que Sylvestre résume d’une formule, « la confiance du marché ».

A ce point, c’est déjà génial. Avec ce qui suit, vous conviendrez que c’est carrément sublime. De votre côté, vous savez très bien que ce système est illégal (puisque sinon toutes les banques proposeraient des taux d’intérêt de ce genre), vous êtes une victime consentante. Mieux encore, comme vous ne pouvez continuer à toucher des dividendes que si le système s’étend, vous avez tout intérêt à faire entrer d’autres pigeons dans la pyramide ; de victime vous devenez complice. Tout l’art de l’escroquerie est là : transformer toutes ses victimes en complices ; tout participant devient un de ses fervents propagandistes.

Mais voilà, ce système est illégal. La raison est simple : lorsqu’une pyramide atteint son expansion maximale, elle s’effondre totalement, et des pays entiers (Albanie) ont sombré ainsi. En effet, lorsqu’il n’y a plus assez de nouveaux pigeons à faire entrer dans le truc, les intérêts reversés aux « investisseurs » baissent, jusqu’à finalement s’annuler. Puisque ceux qui sont dans la chaîne ne gagnent plus d’argent, ils réclament la restitution de leur capital. La pyramide peut rembourser les premières réclamations (sur une sorte de « fond propre » --- l’argent qui n’a pas encore été redistribué sous forme de dividendes), mais pas au-delà ; ensuite c’est la banqueroute totale, plus personne ne récupère son argent. Et comme, à chaque instant, on a remboursé avec l’argent entrant, au final chacun se retrouve avec moins qu’au départ. La subtilité est la suivante : à chaque étape de la pyramide, le participant croit gagner de l’argent ; mais dans sa globalité, le système ne créé pas de richesse, il se contente de brasser de plus en plus d’argent (à l’échelle microscopique, on pense s’enrichir, à l’échelle macroscopique, on tourne en rond).

La pyramide est l’embrouille la plus importante du siècle ; c’est sur son modèle que fonctionne le système boursier depuis environ 15 ans.

Plus que jamais auparavant, les places financières ont connu des taux de progression bien plus élevés que la croissance réelle des économies. L’activité a progressé de quelques pour cents chaque année, les bourses affichaient des taux à deux chiffres. Il y a là un différentiel qu’il faut justifier.

La bourse, par elle-même, ne créé pas de richesse : dans un système sain, elle centralise les capitaux pour les investir dans l’industrie. La valeur globale de la bourse n’augmente donc que grâce à l’augmentation d’activité de l’industrie, les dividendes versés aux investisseurs étant une partie des bénéfices tirés de l’activité. Donc, logiquement, la bourse devrait progresser dans les mêmes proportions que l’activité (c’est l’activité qui créé des richesses, la bourse n’est qu’un reflet). ça, c’est la théorie naïve du capitalisme.

Puisque la bourse ne créé pas de richesse, qu’est-ce qui justifie les taux de progression des dernières années ? Il faut bien que l’argent vienne de quelque part. L’argent de la bourse ne naît pas « de la bourse », sinon cela reviendrait à faire tourner la planche à billets.

C’est là que nous retrouvons la carambouille précédente : la progression des marchés financiers n’est rien d’autre que les apports d’argent frais injecté dans le système par de nouveaux pigeons. Les valeurs boursières n’augmentent pas parce que l’activité progresse (on sait bien que ça n’est pas le cas), mais parce que la somme globale d’argent qui circule grossit régulièrement. Les formidables masses d’argent qui circulent à l’intérieur du système n’enrichissent pas le système, car il n’y a aucune création de biens. Comme pour la pyramide, le brassage financier ne sert qu’à justifier l’existence du système ; pour que chacun ait le sentiment de s’enrichir, il faut augmenter la somme globale en circulation par l’arrivée de nouveaux pigeons.

Les nouveaux gogos, ici, c’est le transfert des richesses de l’activité productrice vers la bourse par divers méthodes : la rentabilisation à l’extrême des entreprises, la financiarisation du bien commun et la mondialisation. Trouver de nouveaux pigeons, c’est tout simplement le libéralisme.

Dans un premier temps, il s’est agit de tirer plus d’argent de l’activité productrice que la simple création de richesse ne l’autoriserait. Pour cela, les actionnaires n’ont eu qu’à réclamer plus aux entreprises qu’ils prétendent financer. C’est ce qu’on nomme, dans la langue de bois de la propagande libérale, la « rentabilité ». Cette rentabilité s’obtient en baissant tous les coûts de l’entreprise (notamment salariaux) et en limitant les investissements au seul profit des dividendes. Ainsi l’argent sort du monde du travail (salaires et investissements de développement) pour aller vers la bourse. Une bonne entreprise n’est plus créatrice d’activité, mais d’argent ; elle devient un mode de transfert de l’argent de l’activité vers les marchés financiers. Le nec plus ultra en la matière étant le développement de sociétés offrant des services inutiles (sur le modèle de Microsoft).

Mais le seul transfert de l’argent des entreprises vers les marchés ne suffit pas à générer les formidables dividendes exigés par les investisseurs. La seconde méthode d’introduction d’argent frais dans le système est la financiarisation du bien commun. Cela consiste à donner une valeur (coter en bourse) à ce qui n’en avait pas auparavant. La chose en question préexistait, mais son aspect socialement vital la rendait inaliénable. Les privatisation de services publics consistent donc à valoriser (au sens de « donner une valeur ») des secteurs d’activité qui échappaient auparavant au système : privatiser les transports en commun n’est pas seulement coter une entreprise d’Etat, mais tout le secteur d’activité correspondant. Transformer les protections sociales (santé, retraites) par répartition (l’argent entrant étant immédiatement redistribué, la « valeur » globale du système était donc nulle) en fonds de pension (par capitalisation) relève de la même logique : augmenter la masse d’argent dans le système sans création réelle d’activité, pour faire croire à une progression (chacun se croyant plus riche alors qu’il n’y a pas plus de richesses à se partager).

Enfin, lorsque la rentabilisation des entreprises a atteint son paroxysme et que la financiarisation du bien commun est achevée, le système doit se trouver de nouvelles sources d’argent pour s’autojustifier (comme dans une pyramide). Il s’étend, tout simplement, de manière géographique. C’est la mondialisation, qui n’est que l’expansionnisme d’un système pour sa propre survie. On a vu durant les années 80 l’arrivée de nouveaux pigeons, élégamment rebaptisés alors « marchés émergents » (le sud-est asiatique et l’Amérique latine) ; dans les années 90, c’est l’arrivée d’un autre gogo, énorme, la Fédération russe. C’est le plus bel exemple : un continent s’est retrouvé coté du jour au lendemain alors qu’il n’avait auparavant aucune valeur boursière. Les richesses qui préexistaient (les industries, les services, les personnes), par leur valeur propre, ont augmenté la valeur globale du système.

Pour compléter la comparaison entre le système boursier des années 80-90 et l’arnaque de la pyramide, il faut rappeler que, dans l’entourloupe, le pigeon est consentant et devient à son tour un complice du système. Pour récupérer sa mise, il doit convaincre d’autres de la validité du système. Voilà qui complète le tableau du libéralisme : à la rentabilisation à l’extrême, la financiarisation de tous les secteurs d’activité et la mondialisation s’ajoute un formidable volet de propagande, indispensable au système pour continuer son expansion.

Il s’agit bien d’une arnaque de type pyramidale : chacun participe en croyant tirer des bénéfices maximums, mais dans sa globalité le système ne fait que brasser de plus en plus d’argent ; il s’étend mais ne crée pas de richesses. Et lorsqu’il ne peut plus s’étendre, il s’effondre, chacun se rendant finalement compte que les richesses à se partager n’ont pas augmenté, donc que chacun ne possède pas plus qu’avant.

Depuis quelques années, nous avons assisté aux premiers signes d’essoufflement du système. Les tentatives d’expansion sont devenues laborieuses, et de plus en plus irrationnelles ; il a fallu, coûte que coûte, par une propagande incroyable, conquérir les derniers secteurs inexploités (c’est-à-dire non cotés), et cela jusqu’au non-sens. Il faudrait ainsi encore réduire les salaires des pays industrialisés (malgré l’automatisation), il faudrait coter jusqu’à l’absurde (par l’exemple, la pollution !), et partout on engage des Etats qui n’ont pourtant plus grand chose à vendre à encore plus de réformes (voyez la Russie).

Et ce mois-ci, nous assistons à la conclusion logique de toute pyramide qui atteint ses limites d’expansion : l’effondrement. Il n’y a plus de gogos à séduire, plus d’argent frais pour rétribuer les précédents investisseurs, donc le système est en faillite.
 
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La Pyramide ?
« Réponse #1 le: septembre 17, 2003, 19:48:04 »
j'ai déjà vu plusieurs reportages sur ces pratiques
il faut mieux être ( largement ) créateur de la pyramide que porteur ( je te dis pas dans la mouise qu'ils se mettent quand ils rentrent dans cette pyramide , pour pouvoir trouver leurs garants de leur réussite )
en france ceci est complètement illégale
La vie c'est comme un petit orteil ; on ignore son existence jusqu'au jour où ça cogne quelque chose. [Benoît Gagnon]

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Hors ligne Tekiro

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La Pyramide ?
« Réponse #2 le: septembre 19, 2003, 22:13:25 »
Quand tu crées ta pyramide,il te faut rapidement filer à l'étranger :lol: :lol:
Ubi amici, ibidem opes. (Plaute)
Là où sont les amis se trouvent les richesses.
Teksite
"Le sourire n’est qu’un rire qui se sous-estime" Sentis Dominique

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La Pyramide ?
« Réponse #3 le: septembre 19, 2003, 22:50:30 »
Sauf si t'es le president de la republique :P

"Jacques si tu nous regarde" :bye:








Il faudrait être Wouf pour se dépenser plus