La prose de lâne est un document curieux pour le contenu et pour la forme. On l'a publiée plusieurs fois et avec des variantes qui semblent montrer qu'elle a servi pendant longtemps et en divers lieux. Elle se compose d'une poésie latine en vers léonins, formant des strophes suivies d'un refrain français. Nous la reproduisons telle qu'elle se chantait à Sens au XIIIe siècle, d'après un manuscrit de Pierre de Corbeil.
L'officiant débitait les strophes :
Orientis partibus,
Adventavit asinus
Pulcher et fortissimus,
Sarcinis aptissimus.
Le choeur répondait :
Hez, sire asne (âne), hez!
(A ce moment, la foule devait probablement inciter l'âne à braire).
Hic in collibus Sichen,
Enutritus sub Ruben,
Transiit per Jordanem,
Saliit in Bethleem.
Hez, sire âne, hez!
Saltu vincit hinnulos,
Damas et capreolos,
Super dromaderios
Velox Madianos.
Hez, sire âne, hez!
Aurum de Arabia
Thus et myrrham de Saba,
Tulit in ecclesia
Virtus asinaria.
Hez, sire âne, hez!
Dum trahit vehicula,
Multa cum sarcinula,
Illius mandibula
Dura terit pabula
Hez, sire âne, hez!
Cum aristis hordeum
Comedit et carduum,
Triticum a palea
Segregat in area.
Hez, sire âne, hez!
Amen dicas, asine
Jam satur ex gramine
Amen, amen, itera,
Aspernare vetera
Hez, sire âne, hez !
Du Gange ajoute deux autres strophes, l'une après la première et l'autre après la seconde :
Lentus erat pedibus,
Nisi foret baculus
Et eum in clunibus
Pungeret.
Ecce magnis auribus
Subjugalis filius,
Asinus egregius,
Asinorum dominus.
ll donne comme refrain courant :
Hez, sire âne, car chantez
Belle bouche rechignez.
On aura du foin assez
Et de l'avoine à planté.
Et comme refrain de la dernière strophe :
Hez va! hez va! hez va hez!
Bialx sire âne, car allez,
Belle bouche, car chantez.
Ces deux refrains sont d'origine picarde. (E. H. Vollet).
Moyen Age: le rire est considéré comme une manifestation diabolique, il est donc banni. Le moine, surtout, a interdiction formelle de rire. La Règle du Maître, édictée par le clergé, est claire: «Les bouffonneries, les paroles oiseuses et portant à rire, nous les condamnons à la réclusion perpétuelle.» On ne rit, donc, qu'à certaines occasions: au carnaval, à la Fête des fous ou à la Fête de l'âne, l'occasion de vivre le monde à l'envers.
Fête des fous, fête de l'âne
Musique - Danse
Description
C'est dans un manuscrit de la bibliothèque de Sens que l'on trouve le plus ancien témoignage de "l'office des fous", attribué à Pierre de Corbeil. L'office comprend la liturgie de la fête de la circoncision. Les membres du bas clergé avaient le privilège d'organiser cette célébration à leur gré. De tradition ancestrale, le 1er janvier, c'était aussi la fête de l'âne, fête populaire avec théâtre, jeux et travestissements. Une sorte de rite païen dont l'Église essaya de canaliser les abus et débordements, jusqu'à sa disparition au XVIème siècle.