500 000 livres au dépotoir
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Au lieu de servir dans une bibliothèque, plus d'un demi-million de livres et 30 000 disques moisissent dans le centre d'enfouissement de Saint-Nicéphore. Faute d'espace et de preneur, la Ville de Longueuil a décidé de les mettre à la poubelle.
Initialement, cette impressionnante collection d'occasion garnissait les 4600 pieds carrés de la librairie Saindon, au 1699, chemin de Chambly, dans l'arrondissement du Vieux-Longueuil.
«Une bouquinerie de style caverne d'Ali Baba, où l'on fouille», selon la description de son propriétaire, Paul Saindon.
Mais en novembre dernier, un huissier débarque. Il évince le libraire du local qu'il louait depuis plus de six ans. «La cinquième année, le loyer avait augmenté de 25 %», confie M. Saindon.
Son nouveau local, situé au 1214 du même chemin, est trois fois plus petit. L'homme de 69 ans se retrouve donc avec 500 000 livres et 30 000 disques usagés en trop. Des dictionnaires, des encyclopédies, des romans d'Yves Beauchemin ou d'Hubert Aquin, comme des «vinyles» d'Elvis ou de Jean-Pierre Ferland. «Des livres de 1850 à aujourd'hui, souligne Paul Saindon. Et même des tables tournantes.»
Tout ce lot d'oeuvres et d'ouvrages est entreposé, aux frais de la Ville de Longueuil. «Le propriétaire du local menaçait de les mettre au trottoir», indique le directeur des communications, François Laramée.
Paul Saindon pense à organiser une grande vente. Mais il a besoin de l'aide de la Ville. Il écrit plusieurs lettres au président de l'arrondissement, Jacques Goyette, dans l'espoir de le rencontrer. «Je voulais sauver le matériel et le redonner à la communauté.»
Son dossier est plutôt confié au greffier de Longueuil, Me Daniel Carrier. «Cela relevait du greffier car un processus légal était en cours», explique M. Laramée.
Entre-temps, une représentante de la Ville ordonne à M. Saindon de faire un tri. «Sinon, les livres et les disques iront à la poubelle», avertit-elle. «Mais ce n'était pas vraiment possible. Tout était pêle-mêle», dit le libraire.
Puis, en décembre, le greffier fait deux propositions à M. Saindon. «On vous redonne les livres, ou on les garde et vous ne payez pas la facture.»
La Ville lui accorde également un troisième mois de délai. Mais au retour des vacances de Noël, le libraire n'a toujours pas trouvé d'acheteur, ni de solution pour tout entreposer à ses frais. De son côté, la Ville de Longueuil tente de se départir des livres. Elle les offre à l'organisme Cultures à partager et même à l'émission de Chantal Lacroix Donnez au suivant. «Personne n'en a voulu», indique François Laramée.
Ce n'était pas aussi simple que cela, explique Jean-Charles Burelle, représentant pour la Montérégie de Cultures à partager. «Je leur ai dit : si vous m'apportez les livres, je vais les prendre, relate-t-il. Tout ce qui était entreposé dans le local était pêle-mêle. Nous avions un problème de personnel.» M. Burelle estime que le tri des livres représentait «45 heures de travail avec 10 hommes». «Pour nous, c'est six mois de travail. Nous travaillons avec des bénévoles.»
«C'est épouvantable», a-t-il lancé, en apprenant que les 500 000 livres se décomposaient finalement dans un dépotoir.
De son côté, la productrice et animatrice de Donnez au suivant dit n'avoir jamais eu de réponse de la Ville. «Nous avons fait plusieurs appels. Nous cherchions à savoir à qui appartenait les livres. On nous avait fait savoir que le propriétaire avait un droit de regard. Nous trouvions donc que c'était risqué.»
«Les livres étaient assez endommagés», ajoute Chantal Lacroix.
François Laramée affirme que la Ville a également pris contact avec la Commission scolaire Marie-Victorin, ce qu'a toutefois réfuté la conseillère en communication Odette Lupien. «C'est Paul Saindon qui nous a contactés. Il voulait un local pour faire une vente. Mais seulement à deux jours d'avis.»
La solution : le dépotoir
Finalement, la Ville de Longueuil a décidé, le 29 janvier dernier, de se débarrasser des milliers et des milliers de livres en les envoyant au centre d'enfouissement de Saint-Nicéphore, près de Drummondville. La facture d'entreposage avait atteint 12 000 $, sans compter les frais de déplacement. «Tout le monde s'entend pour dire que c'est plate de jeter des livres, mais nous avons tenté en vain plusieurs démarches, assure M. Laramée. Les frais étaient à considérer. Ils sont supportés par les contribuables.»
«Nous aurions pu attendre l'été et organiser une vente, comme on le fait parfois avec des vélos. Mais il aurait fallu continuer de payer un loyer de 4000 $ par mois dans un entrepôt, poursuit le directeur des communications de Longueuil. Il faut dire que c'est un cas unique de volume.»
«On m'avait averti, mais j'avais un problème d'espace, se désolait hier Paul Saindon. Je suis bouleversé. On parle d'environnement et on dit que les jeunes ne lisent pas... Bien des familles auraient pu recevoir des boîtes de livres.»
Mais le passionné de littérature ne baisse pas les bras. Les portes de sa nouvelle librairie sont grandes ouvertes au public.
:( ... ... Que dire de plus :angry: