Il s'agit d'un petit texte humoristique, il mérite le détour.....
L'autre nuit, j'ai fait un rêve. Oui, moi aussi.
Les Européens réclamaient à cor et à cri la fermeture des centrales nucléaires. Les Verts étant devenus majoritaires, on procéda à leur démolition et on commença aussitôt à faire des économies d'énergie.
On remplaça les trams et les bus par des pousse-pousse tirés par les anciens drogués des banlieues. Comme cela ne suffisait pas (les drogués ont une santé fragile) on réintroduisit des voitures à chevaux. Les gens pataugeaient dans le crottin et le purin, comme au bon vieux temps. Ne sachant qu'en faire, on évacua le tout dans les rivières et les poissons crevèrent une fois de plus.
On débrancha les frigidaires, qu'on remplaça par de bonnes vieilles glacières. Des trains de luges descendaient la glace depuis les glaciers alpins jusque dans les villes pour les alimenter.
A Genève un farceur avait proposé de remplacer les pompes électriques du jet d'eau par des pompes à bras actionnées par des écolos, mais on n'en avait pas trouvé: ils étaient tous dans les mairies, les conseils et les assemblées, où l'électricité n'était pas rationnée.
On avait réhabilité le chauffage au charbon et au bois depuis que le pétrole s'épuisait rapidement dans le monde. Les écologistes, issus d'une génération que le nucléaire avait privée de certaines sensations, découvrirent les charmes du smog. Les autres aussi. Tous étaient obligés de se doucher 3 fois par jour, ce qui faisait perdre une partie des gains en énergie. Terre des Hommes ouvrit une section d'aide aux enfants des mineurs morts de silicose, de cancers divers ou de coups de grisou en extrayant le charbon dans les pays du Tiers-Monde et en Russie. Les hôpitaux se remplirent d'asthmatiques et de victimes d'allergies diverses.
Il y avait toutefois des avantages qui n'étaient pas négligeables et le gouvernement cria victoire: cela fournissait du travail à un grand nombre de chômeurs, qui furent occupés à nettoyer la suie sur les façades. De plus, la qualité gustative du pain s'était considérablement améliorée depuis que les fours électriques avaient été remplacés par des fours à bois.
Mais les forestiers furent bientôt au chômage: la forêt de Fontainebleau, comme les autres, ressemblait au Sahara. On remplaça les chevreuils et les cerfs par des chameaux.
On installa dans les lampadaires des lampes à huile. L'allumeur de réverbère du Petit Prince étant à la retraite, on avait reconverti les employés de banque sans travail depuis que les riches étrangers avaient abandonné l'Europe pour des pays plus confortables.
Mais les économies ne suffisaient pas à remplacer le nucléaire, et de loin. On eut donc recours aux énergies alternatives.
D'abord, on utilisa le solaire, tout le monde attendait ça avec impatience. Tous les toits et la moitié des façades exposés au Sud furent remplacés par des cellules photoélectriques. Cela permit d'actionner les mixers, les brosses à dents électriques et les sèche-cheveux, mais, l'Europe n'étant pas le Kalahari, cela restait notoirement insuffisant, le soleil s'obstinant à livrer son énergie surtout quand on en avait le moins besoin, soit en été et le jour.
Il fallut pour arriver à une production notable, recouvrir les pâturages du Jura et des Alpes avec des panneaux orientables et la plus grande partie des lacs avec des panneaux flottants. Il y eut des protestations obtenir une production intéressante, on couvrit le Mont Blanc, Le Puy de Dôme et les sommets des Pyrénées d'éoliennes: sur les pentes, on remplaça les forêts de sapins disparus dans les cuisinières des ménagères par des forêts d'éoliennes.
Les (vrais) amoureux de la Nature, les montagnards et les responsables du Tourisme estimèrent que ce n'était ni romantique ni décoratif et protestèrent de plus en plus énergiquement.
Tout cela ne menait pas très loin, et la nuit, par temps de pluie, lorsque le vent s'obstinait à souffler normalement, plus rien ne marchait, même pas la télé. Un nombre croissant d'électeurs se joignirent aux responsables du Tourisme et aux (vrais) amoureux de la Nature pour réclamer un peu de bon sens.
On fit appel au vent. Chaque propriétaire fut tenu de placer une éolienne sur sa maison entre la cheminée et l'antenne de télé. Les écologistes trouvèrent cela très décoratif, mais les maisons au bord de mer étant rares, le vent s'époumonait sans résultat notable.
On se tourna vers l'hydroélectrique: les rares vallées alpines ou pyrénéennes qui n'étaient pas encore dénaturées furent noyées par de nouveaux lacs de barrages. Les pêcheurs et les promeneurs se joignirent aux protestataires.
Il fallait trouver autre chose. On décida de construire des centrales à gaz. On alimenta de plus en plus de maison avec le gaz pour le chauffage et la cuisine: les chômeurs purent être occupés à contrôler les conduites de gaz et à réparer les maisons qui explosaient en toujours plus grands nombres. Le résultat le plus visible fut que les réserves mondiales s'épuisèrent rapidement.
Quelqu'un ayant constaté que les bovins produisaient du gaz, on installa des récupérateurs de gaz dans les étables. C'était facile, les vaches ne sortant plus depuis que toutes les prairies avaient été recouvertes de cellules solaires. On ne les nourrissait plus avec des cadavres de bovins, mais avec des farines de poissons et des déchets ménagers, ce qui parfumait leur viande et leur lait de manière originale.
Les gourmets hurlèrent au Crime contre l'Humanité.
Le gaz et le charbon ayant dégagé tant de CO2 que la température de l'air avait augmenté par effet de serre de 10°C, la Commission Européenne nota avec satisfaction qu'on économisait beaucoup d'énergie en hiver depuis qu'on avait moins besoin de chauffer les maisons.
Mais lorsque les glaces des pôles eurent suffisamment fondu, la mer noya une partie des pays civilisés.
La Méditerranée, remontant la vallée du Rhône, arriva aux portes de Genève après avoir noyé Lyon. Il y eut de nouvelles protestations de la part de certains citoyens qui ne comprenaient rien à l'Ecologie.
On fit appel à Nicolas Hayek, qui inventa le "Swecovélo", équipé d'une dynamo. On en plaça un grand nombre dans les fitness clubs où les gens purent enfin dépenser leur énergie sans la gaspiller.
Comme l'idée était bonne, on remplaça les épreuves cyclistes par des épreuves de cyclisme indoor avec ces mêmes vélos. Le Tour de France eut lieu à Bercy, Paris-Roubaix au Parc des Expositions et le Giro dans le Colosseum. Ces belles épreuves fournirent une quantité non-négligeable d'énergie qui augmenta de 50% lorsqu'on supprima les contrôles anti-doping.
Finalement, les écologistes s'étant embourgeoisés dans leur parti gouvernemental, un nouveau parti d'opposition vit le jour: "Les Vrais Ecologistes". Ceux-ci se mirent à additionner dans les médias le nombre de morts provoqués par les nouvelles énergies: en extrayant et en transportant le charbon, en raison des cancers et des maladies diverses provoqués par la Nouvelle Pollution, etc.
Ils y ajoutèrent ceux dûs au gaz dans les accidents qui se multipliaient (deux villes avaient déjà été rayées de la carte par l'explosion de centrales).
Et puis tout ça coûtait décidément très cher!
Lorsque, enfin, à bout d'initiative, le gouvernement voulut remplacer la télé par des théâtres éclairés aux chandelles, il y eut des émeutes. On eut une alternance.
