pour en revenir à L'Esprit de la Renarde :
Je suis complètement conquise par le mandarin impérial Tân, confucéen un peu rigoriste, pas toujours ouvert aux idées nouvelles et certainement pas à celles des taoïstes, mais son adjoint, le sympathique et fanfaron Lettré Dinh l’oblige souvent à se remettre en question. L’énigme de la Renarde a d’ailleurs ébranlé certaines de ses convictions ; il en garde comme une fêlure au fond de l’âme, voire une certaine amertume d’avoir constaté que les grands préceptes auxquels il s’accroche ne sont pas toujours de bon aloi.
Lorsqu’on parle d’enquêtes en Asie, de fonctionnaire impérial, il est difficile de ne pas penser au Juge Ti de Robert Van Gulik. Cependant le jeune mandarin Tân est bien différent de son auguste collègue et prédécesseur. Il est nettement plus jeune, célibataire et assisté du lettre Dinh.
Les enquêtes de Tân ont un caractère enveloppé de beaucoup de mystère ; l’enquête de « l’Esprit de la Renarde » comporte pas mal d’éléments étranges, comme cet assassin cannibale, cette jeune femme qui ne sort que la nuit, ce jeune peintre disparu comme par enchantement.
Les noms des protagonistes sont amusants, tout à fait exotiques, les femmes se nomment « Aube Violette », « Jade » , « Prune » ou « Kitsune » (c’est à dire « Renarde »).
Les enquêtes du mandarin Tân et du lettré Dinh se situent dans le Vietnam du 17ème siècle, où nord et sud sont quasi en guerre ; subtilement mêlés aux intrigues, par petites touches délicates comme une peinture chinoise, le lecteur reçoit des informations sur l’histoire du Vietnam, les noms anciens des lieux, les croyances et traditions, sur l’émergence du catholicisme en Asie. Les détails des paysages, des lieux traversés par les deux hommes, tous ces décors riches en détails et couleurs, les vêtements, les cérémonies, contribuent à rendre vivante cette époque révolue, à faire travailler l’imagination des lecteurs. Le dépaysement est immédiat et total. J’ai d’ailleurs été légèrement déroutée en entamant le roman car j’ignorais ce que j’y trouverais, j’y ai trouvé un un plaisir de lire immense tant il diffère des polars habituels situés en Angleterre, aux USA ou ailleurs.
Le personnage principal a été inspiré aux s½urs TRAN-NHUT par leur aïeul maternel ayant lui aussi réussi aux concours triennaux chers au confucianisme. Elles ont écrit ensemble quatre des enquêtes du Mandarin Tân.
« l’Esprit de la Renarde » est issu de l’imagination et de la plume de Thanh-Van Tran-Nhut seule, sa s½ur Kim écrivant à présent des polars pour les jeunes. L’une est ingénieur, l’autre physicienne, mais toutes deux ont une imagination merveilleuse. Il est évident qu’elles ont pris un immense plaisir à écrire ces polars sortant des sentiers battus, pleins d’humour noir ; ce plaisir d’écrire se transmet immédiatement au lecteur.
A découvrir et à déguster comme la cuisine vietnamienne délicieusement épicée.